Faire du vin à la maison. Partie à la vigne
IGP Pays d’Oc Syrah Le Chant de la Terre, Famille Fabre
Dégusté à 14°C (mis au frigo pendant 20 minutes avant le service, puis dans de l’eau fraiche)
Le rouge rubis brillant est rassurant. La suite aussi. Les fruits sont noirs et rouges, de la mûre, de la prune, des notes de violette et de laurier, une touche de cuir neuf et de cacao. On est dans l’univers de la syrah du Sud. La bouche est gracile mais savoureuse, les tanins goûtent la réglisse avec une fraiche amertume. Un long final épicé. Pas d’erreur, c’est franc, équilibré et bon. Prix : 6,25 € TTC dans le réseau national Biocoop.
Non, ceci n’est pas une énième recette pour faire de l’œnologie en amateur, mais une histoire que je me propose de vous raconter presque en direct.
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Je vous écris depuis les Corbières, ce pays de vin qui m’a adoptée et qui vit deux mois de l’année au rythme des vendanges. J’ai connu les années où les Espagnols débarquaient en famille et en bus, les bras chargés de salaisons et autres produits de leurs régions. On leur ouvrait des maisons qu’ils retrouvaient à peu près dans le même état qu’ils les avaient laissées le millésime précédent. Le soir, on se réunissait autour d’un verre de vin, dehors, sur le pas des portes, on baragouinait mi-espagnol, mi-occitan et mi-français, et c’était joyeux. Mais ça c’était avant les MAV.
Machine À Vendanger
Le passage aux vendanges mécaniques s’est effectué au tournant des années 2000. Le coût des vendanges manuelles est, en moyenne, deux à trois fois plus élevé qu’à la machine. Alors, quand le vignoble le permet, il n’y a pas d’hésitation. Les machines sont de plus en plus performantes pour faire le tri et respecter le raisin. On verra plus tard que ce ne sera peut-être pas suffisant en cette année de dérèglement climatique. Pour vous mettre dans l’ambiance, je vous propose de commencer la vendange – manuelle – par une présentation du lieu et de son sol avec le vigneron lui-même dans cette vidéo amateur, sans artifice et juste un peu de nettoyage. Une vidéo au rythme de la vraie vie et des mots de Paco. Je vous conseille de monter le son
La cuvée Andréas
Du nom du petit-fils de Paco et Yolande, né en 2021. Pour lui rendre hommage à la mode vigneronne, nous élaborons une cuvée avec les raisins de la famille. Nous débutons par la syrah, récoltée grappe par grappe sur une parcelle qui a gelé ce printemps. Nous avons beaucoup marché dans les rangs pour remplir les vingt seaux prévus. La colhe, prononcer « coye », nom occitan donné au groupe de vendangeurs, était composée d’amateurs. Il a fallu donner quelques explications avant de les lâcher avec un sécateur dans une main et un seau dans l’autre.
La colhe attentive
Les conseils aux débutants
La qualité de la vendange s’obtient en premier à la vigne sur le principe simple à comprendre : « le bon vin se fait avec du bon raisin ». Ce n’est pas si évident une fois plongé dans le rang. Il faut reconnaître les défauts pour pouvoir les exclure. Pas de grapillon qui se forme 2 à 3 semaines après la grappe et qui n’a pas eu le temps de mûrir. Pas de grains abimés par un champignon ou un insecte. On trie par morceaux de grappe et parfois grain par grain, comme à la maison pour faire un beau plateau de fruits. Avec des cas critiques comme le montre ici Paco en vidéo
Cryptoblabes Gnidiella, un ver de la grappe
Il y en avait très peu dans la vigne et nous avons vite constaté que les grappes saines sont aussi des grappes où le grain est intègre. Il a beaucoup plu la semaine précédente, 60 mm en une journée. Le raisin sortait d’une longue sécheresse, il avait formé une pellicule assez épaisse. L’eau du ciel profite très vite à la grappe qui grossit tant qu’elle peut et même au point de fissurer. Le jus sucré de la pulpe se trouve offert à tous les insectes volants et gourmands qui aggravent les blessures. La période de marin (vent chargé d’humidité qui vient de la mer) qui a suivi, a favorisé le développement de la pourriture. C’est tout ce microcosme qu’il faut éviter de ramener à la cave. Mais la pluie a aussi provoqué des resquites ajoutant de la terre au raisin. Nous avons décidé de les rincer avant de les érafler.
Tri à la main
Le raisin en cave
La rafle de la syrah étant encore un peu verte, elle peut transmettre un goût végétal à la cuvée, donc on érafle. À la main. C’est une seconde occasion de trier le raisin. Ce qui n’est pas mûr reste accroché à la rafle, ce qui est écrasé est écarté. Tout le monde s’y met, les bons grains sont déposés dans la baignoire d’Andréas avant d’être versés dans la cuve. Illustration du foulage en vidéo.
Aparté : Je ne ferai pas de commentaire sur les commentaires de cette vidéo amateur. J’ai choisi le format vidéo plutôt que la photo pour illustrer le mouvement mais il y a encore du boulot avant de faire du Guillaume Bodin.
La cuve de syrah
Sachez que tout s’est bien fini. Le raisin ainsi foulé donne du jus qui va pouvoir commencer à fermenter. On nettoie tout pour laisser la cuve dans un environnement propre et hygiénique. Et on attend. Le jour suivant, rien ne bouge et je fais ma première dégustation :
Le premier jus
Un jus pourpre sombre et épais. Le nez est acidulé comme une gelée de groseille, le jus de mûre et le raisin frais dominent. Pas facile de goûter, il faut enlever les pépins mûrs qui flottent, ça gène pour palper le vin en bouche. C’est plus sucré qu’un sirop avec une très légère astringence en finale.
Je surveille la densité du vin qui fait le yoyo entre 1100 et 1104. Il faut attendre encore.
Une dégustation en prime
Pour finir sur une touche gourmande, je vous propose un vrai vin de syrah. Cette syrah est récoltée de nuit puis maintenue fraîche pendant la vinification pour garder le fruité. C’est la cuvée Chant de la terre, produite par la famille Fabre, que David vous a déjà présentée ici: Visite en Languedoc. L’exemplarité de la famille Fabre.
La semaine prochaine, suite avec le volet 2 : faire du vin à la maison dans sa cuisine ou son garage.